Sous réserve de respecter certaines conditions réglementaires, les contrats collectifs obligatoires de prévoyance et de remboursement de frais de soins de santé souscrits par l’entreprise afin d’assurer tout ou partie de ses salariés bénéficient d’un régime fiscal et social avantageux (cf fiche : Traitement social et fiscal des contrats collectifs obligatoires). Le respect du caractère obligatoire du régime implique que l’ensemble des salariés appartenant aux catégories objectives bénéficiaires du contrat soient affiliés au régime de protection sociale complémentaire. Cependant, des dispenses sont admises par la réglementation dans certaines situations bien définies. Bien que cette limite ne soit pas expressément prévue par les textes, il convient de réserver l’utilisation des dispenses d’affiliation aux régimes obligatoires de frais de santé, compte tenu des lourds enjeux financiers portés par les régimes de prévoyance. Il existe deux types de dispenses d’affiliation que nous distinguerons dans la présente fiche : - Les dispenses dites « de droit ». - Les dispenses qui doivent être prévues, pour être utilisées, par l’acte instituant le régime de protection sociale collectif et obligatoire.
1. Les dispenses d’affiliation « de droit »
Ces cas de dispenses d’affiliation peuvent être sollicités par le salarié y compris dans le silence de l’acte juridique mettant en place le régime obligatoire de frais de santé. Ils sont encadrés juridiquement par les articles L.911-7, L911-7-1 et D.911-2 et suivants du code de la Sécurité sociale, ainsi que par l’article 11 de la loi n°89-1009 dite « loi Evin » (tableau récapitulatif en annexe 1).
1.1 Les dispenses prévues par l’article D.911-2 du code de la sécurité sociale
Les salariés se trouvant dans l’une des situations suivantes peuvent solliciter une dispense d’affiliation :
- Salariés bénéficiaires d’une couverture frais de santé au titre du dispositif de complémentaire santé solidaire. La dispense n’est possible que dispense ne peut jouer que jusqu'à la date à laquelle les salariés cessent de bénéficier de ce dispositif.
- Salariés couverts par une assurance individuelle frais de santé au moment de la mise en place des garanties ou de l’embauche (jusqu’à échéance de ce contrat).
- Salariés bénéficiant pour les mêmes risques au titre d’un autre emploi, en propre ou en tant qu’ayants droit d’une couverture collective et relevant de l’un des dispositifs suivants :
- Régime d’entreprise de frais de santé collectif obligatoire (y compris pour l’ayant-droit).
- Régime local d’assurance maladie du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle.
- Régime complémentaire d’assurance maladie des industries électriques et gazières.
- Régime de prévoyance de la Fonction publique d’Etat issu du décret n°2007-1373 du 19 septembre 2007 ou Régime de prévoyance de la Fonction publique territoriale issu du décret n°2011-1474 du 8 novembre 2011.
- Contrat d’assurance de groupe « Madelin » issu de la loi n°94-126 du 11 février 1994.
1.2 La dispenses autorisée pour les salariés présents dans l’entreprise au moment de la mise en place du régime (article 11 de la loi Evin)
En cas de mise en place du régime de prévoyance par décision unilatérale de l’employeur (prévoyant une cotisation salariale), les salariés déjà embauchés peuvent s’y opposer car cela conduit à une diminution de leur rémunération nette.
Dans une circulaire publiée le 4 février 2014, l’ACOSS a précisé que la dispense autorisée par l’article 11 de la loi Evin pouvait également être sollicitée lorsqu’une nouvelle DUE met à la charge du salarié une fraction de la cotisation initialement intégralement financée par l’employeur.
Cette dispense joue en outre en cas de transfert d’entreprise : lorsque les salariés de l’entreprise transférée n’étaient pas couverts à titre obligatoire avant le transfert, ils peuvent exercer leur faculté de dispense d’adhésion à un dispositif obligatoire mis en place par DUE dans l’entreprise d’accueil (Cass. soc. 4 janvier 1996, n° 92-41885).
1.3. Le cas particulier des contrats ou mission de courte durée (article L.911-7-1 du code de la sécurité sociale)
1.3.1 Les salariés concernés
Lors de la généralisation de la complémentaire santé au 1er janvier 2016 pour l’ensemble des salariés sans condition d’ancienneté, des difficultés d’application pour les secteurs ayant massivement recours à des contrats de travail de courte durée (exemple : le secteur de la restauration) sont apparues.
Afin de palier à cette difficulté une dispense d’affiliation de droit est ouverte pour les salariés suivants (qui seront en contrepartie éligibles au versement santé détaillé au point 1.3.2 ci-dessous) :
- Les salariés dont la durée potentielle de la couverture collective frais de santé à adhésion obligatoire est inférieure à 3 mois (sans prise en compte de l’éventuelle période de portabilité).
- Et qui justifient par ailleurs du bénéfice d’une couverture frais de santé responsable et non aidée.
Les salariés ne remplissent pas les conditions ci-dessus pour bénéficier du versement santé devront être affiliés au régime de l’entreprise (sauf cas de dispense invoqué à leur initiative).
L’article L911-7-1 du code de la sécurité sociale prévoit la possibilité pour, un accord de branche de rendre obligatoire cette dispense en prévoyant que la substitution du versement santé à l’affiliation au régime conventionnel est la seule modalité possible pour les salariés :
- Dont la durée de contrat de travail ou contrat de mission est ? à 3 mois ou la durée effective de travail est ? à 15 heures par semaine) ;
- Et justifiant bénéficier d’une couverture frais de santé responsable et non aidée (1).
1.3.2 Le versement santé
Le versement santé est une aide individuelle à la généralisation de la couverture complémentaire santé pour les salariés en contrats courts ou à temps très partiel.
Le montant du versement est égal à la contribution mensuelle de l’employeur à la complémentaire santé (contribution que l’employeur aurait versée si le salarié avait adhéré). Il est le produit d’un montant de référence (déterminé selon l’une des 3 modalités ci-dessous détaillées) et d’un coefficient.
- Le montant de référence correspond à la contribution mensuelle que l’employeur aurait versée si le salarié avait été affilié au régime frais de santé de l’entreprise (en général ce calcul s’applique lorsque la contribution est proportionnelle à la rémunération) ;
- Lorsque la contribution patronale est forfaitaire et indépendante de la durée effective de travail (ce qui est le cas pour la majorité des contrats frais de santé), le versement est calculé en appliquant au montant du forfait mensuel un coefficient égal au rapport entre la durée effective de travail sur le mois considéré et la durée légale du travail (coefficient maximum égal à 1) ;
- En l’absence de montant applicable au financement de la couverture par l’employeur, celui-ci est fixé pour l’année 2020 à 16,34 € et à 5,45 € pour les salariés qui dépendent du régime Alsace Moselle. Est appliqué à ce montant le même coefficient que celui défini au 2 ci-dessus.
Les montants définis aux 1 et 2 ne peuvent être inférieurs à ceux calculés au 3.
Le montant de référence est multiplié par un coefficient de :
- 105 % pour les salariés en CDI ;
- 125 % pour les salariés en CDD ou en contrat de mission.
Le versement santé ne peut pas se cumuler avec :
- Le bénéfice d’une couverture au titre du dispositif de complémentaire santé solidaire.
- Le bénéfice y compris en tant qu’ayant droit d’une couverture santé collective et obligatoire d’entreprise.
- Le bénéfice d’un régime de prévoyance de la Fonction publique d’Etat ou territoriale bénéficiant d’un financement d’une collectivité publique.
2. Les dispenses d’affiliation prévues par l’acte fondateur du régime
Pour être utilisées, les dispenses d’adhésion ci-dessous détaillées doivent être explicitement prévues par l’acte qui régit les garanties, qu’il s’agisse de l’acte initial instituant les garanties ou des actes modificatifs ultérieurs (tableau récapitulatif en annexe 2).
Dans la mesure où cette condition est respectée, les salariés se trouvant dans l’une des situations prévues par l’article R242-1-6 du code de la sécurité sociale, et détaillées ci-dessous, peuvent solliciter une dispense d’affiliation :
- Les membres du personnel sous contrat de travail à durée déterminée, contrat de mission ou les apprentis :
- Sans justificatif pour ceux dont le contrat de travail est inférieur à 12 mois.
- Sous réserve de la justification d’une couverture souscrite par ailleurs pour ceux dont le contrat de travail est d’une durée au moins égale à 12 mois.
- Les apprentis ou membres du personnel à temps partiel pour lesquels la cotisation d’assurance serait au moins égale à 10 % de leur rémunération brute, sauf si cette cotisation est prise en charge par l’employeur.
- Les membres du personnel bénéficiaires d’un contrat d’assurance santé individuel lors de la mise en place des garanties ou lors de leur embauche si celle-ci est postérieure peuvent être dispensés d’adhérer au régime jusqu’à échéance du contrat individuel. Une attestation d’assurance mentionnant l’échéance du contrat est à fournir par les salariés concernés.
- Les membres du personnel bénéficiaires d'une couverture complémentaire en application de l'article L861-3 du code de la sécurité sociale (dispositif « Complémentaire santé solidaire »). La dispense ne peut alors jouer que jusqu'à la date à laquelle les salariés cessent de bénéficier de cette couverture ou de cette aide.
- Les membres du personnel couverts, y compris en tant qu’ayant droit, par l’un des dispositifs de prévoyance complémentaire suivants :
- Régime de prévoyance complémentaire collectif obligatoire (la dispense d’adhésion ne peut jouer, pour un salarié ayant droit au titre de la couverture dont bénéficie son conjoint salarié dans une autre entreprise, que si ce dispositif prévoit la couverture des ayants droit à titre obligatoire).
- Régime local d’assurance maladie du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle.
- Régime complémentaire d’assurance maladie des industries électriques et gazières.
- Régime de prévoyance de la Fonction publique d’Etat issu du décret n°2007-1373 du 19 septembre 2007.
- Régime de prévoyance de la Fonction publique territoriale issu du décret n°2011-1474 du 8 novembre 2011.
- Contrat d’assurance de groupe « Madelin » issu de la loi n°94-126 du 11 février 1994.
- Régime spécial de sécurité sociale des gens de mer (ENIM).
- Caisse de prévoyance et de retraite des personnels de la SNCF (CPRPSNCF).
3. Le formalisme de la demande de dispense d’affiliation
Les dispenses d’adhésion doivent relever du libre choix du salarié, ce qui implique que chaque dispense résulte d’une demande explicite du salarié traduisant un consentement libre et éclairé de ce dernier.
En pratique, et pour l’ensemble des cas, une dispense d’affiliation doit être formalisée par écrit par le salarié qui joindra, le cas échéant les justificatifs nécessaires à l’appui de sa demande. La demande devra être datée, signée et rédigée en termes non équivoques.
L’employeur devra conserver la demande et les justificatifs afin d’être en mesure de les présenter en cas de contrôle.
Cette demande comporte la mention selon laquelle le salarié a été préalablement informé par l’employeur des conséquences de son choix.
Exemple de mention : « En renonçant à l’affiliation au régime de frais de santé, le salarié renonce à tout remboursement au titre dudit régime en cas de frais de santé ou d’hospitalisation. Il renonce également à la part patronale de cotisations, au bénéfice de la portabilité en cas de chômage indemnisé et au bénéficie du maintien de la couverture au titre de l’article 4 de la loi n°89-1009 dite loi Evin. »
Ce qu’il faut retenir :
- Les dispenses d’affiliation concernent les régimes obligatoires de frais de soins de santé
- Les dispenses doivent être sollicités par écrit par le salarié.
- L’employeur doit conserver la trace de cette demande et des éléments justificatifs
Annexe 1 : Les dispenses d’affiliation « de droit »
Cas de dispense | Moment de la demande | Durée de validité de la dispense | Mention dans l’acte de droit du travail |
---|---|---|---|
Salariés embauchés avant la mise en place, par décision unilatérale, du régime prévoyant une cotisation salariale (« article 11 loi Evin ») | A la mise en place du dispositif | Permanente | Non obligatoire |
Salariés bénéficiant d’une couverture complémentaire en application de l’article L861-3 du code de la sécurité sociale |
| Jusqu'à la date à laquelle les salariés cessent de bénéficier de ce dispositif | Non obligatoire |
Salariés couverts par une assurance individuelle frais de santé |
| Jusqu’à échéance du contrat individuel | Non obligatoire |
Salariés bénéficiant pour les mêmes risques au titre d’un autre emploi, en propre ou en tant qu’ayants droit d’une couverture collective et relevant de l’un des dispositifs suivants : (1)
| Non obligatoire | ||
Salariés en CDD ou contrat de mission dont la durée de couverture santé collective obligatoire est inférieure à 3 mois (3) et qui justifient d’une couverture santé responsable (4) | Non obligatoire |
(1) La DSS semble envisager cette dispense de manière large et considérer qu’elle bénéficie aux salariés multi-employeurs et aux salariés couverts en tant qu’ayant droit (par exemple au titre de leur conjoint) dans le cadre de l’un des dispositifs listés.
(2) Ainsi la dispense d’adhésion ne peut jouer, pour un salarié ayant-droit au titre de la couverture dont bénéficie son conjoint salarié dans une autre entreprise, qui si ce dispositif prévoit la couverture des ayants droit à titre obligatoire.
(3) L’article L911-7 III. du code de la sécurité sociale précise que : « Cette durée s'apprécie à compter de la date de prise d'effet du contrat de travail et sans prise en compte de l'application, le cas échéant, de l'article L911-8 du code de la sécurité sociale (portabilité) »
(4) Ces salariés ont accès au « versement santé » sous réserve de respecter les conditions prévues par la loi (Article L911-7-1 du code de la sécurité sociale).
Annexe 2 : Les dispenses d’affiliation devant être mentionnées dans l’acte fondateur du régime
Cas de dispense | Moment de la demande | Durée de validité de la dispense | Mention dans l’acte de droit du travail |
---|---|---|---|
Salariés embauchés avant la mise en place, par décision unilatérale, du régime prévoyant une cotisation salariale (« article 11 loi Evin ») | A la mise en place du dispositif | Permanente | Non obligatoire |
Salariés couverts par une assurance individuelle frais de santé |
| Jusqu’à échéance du contrat individuel | Non obligatoire |
Salariés bénéficiant d’une couverture complémentaire en application de l’article L861-3 du code de la sécurité sociale | A tout moment, sauf disposition plus contraignante dans l’acte de formalisation | Jusqu'à la date à laquelle les salariés cessent de bénéficier de ce dispositif | Non obligatoire |
Salariés ou apprentis en CDD ou contrat de mission d’une durée inférieure à 12 mois | A tout moment, sauf disposition plus contraignante dans l’acte de formalisation | Permanente | Non obligatoire |
Salariés ou apprentis en CDD ou contrat de mission d’une durée supérieure ou égale à 12 mois et justifie par ailleurs d’une couverture individuelle souscrite pour le même type de garanties | A tout moment, sauf disposition plus contraignante dans l’acte de formalisation | Non obligatoire | |
Salariés à temps partiel ou apprentis dont l’adhésion au système les conduirait à s’acquitter d’une cotisation au moins égale à 10% de leur rémunération brute | A tout moment, sauf disposition plus contraignante dans l’acte de formalisation | Dispense valable tant que le salarié ou l’apprenti en remplit les conditions | Non obligatoire |
Salariés bénéficiant pour les mêmes risques au titre d’un autre emploi, en propre ou en tant qu’ayants droit d’une couverture collective et relevant de l’un des dispositifs suivants : (1)
| A tout moment, sauf disposition plus contraignante dans l’acte de formalisation | Dispense possible jusqu’à ce que le salarié cesse de bénéficier de la couverture en cause | Non obligatoire |
(1) La DSS semble envisager cette dispense de manière large et considérer qu’elle bénéficie aux salariés multi-employeurs et aux salariés couverts en tant qu’ayant droit (par exemple au titre de leur conjoint) dans le cadre de l’un des dispositifs listés.
(2) Ainsi la dispense d’adhésion ne peut jouer, pour un salarié ayant-droit au titre de la couverture dont bénéficie son conjoint salarié dans une autre entreprise, qui si ce dispositif prévoit la couverture des ayants droit à titre obligatoire