En une vie, nous allons consommer en moyenne : 100 000 litres de boissons, 80 000 kg de nourriture et près de 500 tonnes d'air ! Ces quantités, très variables selon les individus il est vrai, montrent à quel point c'est notre environnement qui nous construit.
On peut, fort logiquement comprendre qu'une contamination de cet environnement par des substances dont la dégradation est lente finira tôt ou tard dans notre corps.
De très nombreuses études le confirment d'ailleurs : adultes, enfants, fœtus, personne n'échappe aujourd'hui à cette contamination. Et la diversité des composés trouvés dans le sang, les cheveux, le liquide amniotique ou même le lait maternel laisse songeur : pesticides, plastifiants, composés antitaches, antiadhésif, désinfectants, solvants industriels...
Les effets sur la santé de ces substances sont très difficiles à évaluer. Bien sûr les modèles animaux nous donnent des indications, mais sur le sujet, les certitudes - confirmées généralement par l'épidémiologie - sont rares.
Pour les perturbateurs endocriniens par exemple, moins d'une vingtaine sont documentés et considérés à risque chez les humains quand dans le même temps certaines base de données américaines évoquent plus de 1400 composés qui pourraient l'être.
Le cas des perturbateurs endocriniens est d'autant plus délicat à cerner que les modèles habituellement utilisés en toxicologie (la dose est directement proportionnelle à l'effet) ne sont dans leur cas plus valables... En effet : de très faibles doses peuvent avoir des effets supérieurs à des doses plus élevées !
D'autre part, quand bien même l'effet d'une substance est identifiée chez les humains, nous ne savons rien des conséquences sanitaires de son association avec les centaines de composés chimiques qui nous exposent au quotidien (on parle d'effets cocktail).
Rajouter à cela que la plupart des effets ne sont pas spécifiques (un polluant ne provoque que très rarement une maladie particulière) et sont dissociés dans le temps (des polluants peuvent avoir des effets plus de 30 ou même 50 ans après les expositions !), on comprend aisément l'immense étendue des incertitudes qui planent sur ces sujets.
Mais, dans le même temps, au-delà de l'amélioration du dépistage ou du vieillissement de la population, de très nombreuses pathologies progressent rapidement : les troubles de la sphère génitale (malformations, infertilité, cancers hormonaux dépendants, puberté précoce, endométriose...), l'explosion des allergies et des maladies auto-immunes, du diabète, de l'obésité, des troubles du comportement, des maladies neuro dégénératives...
Il est désormais acquis que ces évolutions - bien trop rapides pour s'expliquer par des modifications génétiques - sont donc liées à notre environnement.
La connaissance même parcellaire des effets des polluants sur notre santé et l'inquiétante progression de ces très nombreuses pathologies sont aujourd'hui clairement associées. A ce propos, les plus jeunes constituent une population particulièrement fragile qu'il nous convient de protéger en priorité et urgemment et ce d'autant plus que des effets transgénérationnels sont désormais documentés : des maladies survenant à l'âge adulte peuvent être, en partie, le fait d'une exposition de leurs parents ou grands-parents à des toxiques dans la vie intra-utérine ou la petite enfance !
Au-delà de la souffrance et plus généralement des impacts humains très lourds que représentent ces évolutions, c'est notre système de santé lui-même qui est à terme menacé par ces évolutions.
Le ministère de la Santé et l'Assurance Maladie doivent opérer leur mutation pour s'orienter enfin massivement vers le champ de la promotion de la santé sur ces sujets de santé environnementale.
San attendre, les Mutuelles constituent, de par leur engagements et responsabilités un puissant levier d'action qu'il convient maintenant de mettre en avant !
Article rédigé par Philippe Perrin, éco-infirmier et Directeur de l'IFSEN (Institut de Formation en Santé Environnementale)